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OFFICIELLEMENT : 405KM/H…

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OFFICIELLEMENT : 405KM/H…
Adam Lesserteur

Hier, en ce mercredi 26 juillet 2023, le sport automobile français vient de perdre son pilote le plus rapide sur le mythique circuit de la Sarthe. Roger Dorchy est décédé à l’âge de 78 ans, emportant sûrement avec lui ce qui restera comme LE record de vitesse aux 24h du Mans : 405km/h, officiellement.

En hommage à ce pilote méconnu de beaucoup, laissez-moi vous conter l’histoire de ce record de vitesse, établie sur la plus longue ligne droite du sport auto.

Une portion de départementale

Le Mans, de 1923 à 1989. Le vrai temple de la vitesse. Un tracé qui se pilote 85% du temps à fond. En plus du principe d’endurance du double tour d’horloge, ce circuit a permis beaucoup de recherche en matière d’aérodynamisme, de traîné et de rendement moteur. Et tout ça, grâce à ce qui est devenu la départementale la plus connue dans le milieu des sports mécaniques, la ligne droite des Hunaudières.

5,8km reliant le virage du Tertre Rouge à celui de Mulsanne. 5,8km de pure vitesse. Dès les années 50, les constructeurs ont compris que pour gagner le Mans, il ne suffisait pas d’être le plus fiable ou le plus rapide sur un tour. Il fallait aller le plus vite en ligne droite.

Avec les limites de cylindrées, les constructeurs ont été forcés de travailler un maximum sur la pénétration dans l’air de leurs voitures ainsi que la traîné. En gros, l’aérodynamisme était au cœur des recherches.

Mais les puristes de la motorisation tels que Ferrari ont décidé quant à eux de travailler sur le rendement de leur moteur. Pour simplifier, comment le rendre plus puissant tout en réduisant la cylindré, la consommation et la perte énergétique.

Une course à la vitesse

De cette ligne droite, est partie une concurrence farouche entre constructeurs pour savoir qui ira le plus vite. Le premier cap à franchir était les 300km/h, barrière mythique de l’époque. Cette vitesse sera atteinte officiellement pour la première fois en 1963 par Ferrari.

Le deuxième cap, les 350km/h. Frôlé une première fois par Ford en 1965 (349km/h), un an de plus suffira pour les dépasser avec la fabuleuse Ford GT40 MkII. Ils seront de nouveau dépassés par Ford en 1967 avec leur prototype MkIV.

Porsche VS Ferrari, le duel de la démesure

1969, Porsche lance officiellement le programme en course de sa redoutable 917L. Résultat de son baptême du feu au Mans : record absolu du temps au tour pulvérisé et une vitesse de pointe au alentour de 370km/h !

La réponse de Ferrari sera immédiate, et en 1970, au moment où Porsche sort une deuxième version de sa 917, une nouvelle voiture sort des usine de Maranello : la Ferrari 512S.

Cette dernière gagnera cette fameuse course à la vitesse de l’époque. Lors des 24h du Mans 1970, la 512S du cheval cabré touchera presque du doigt les 400km/h, avec une vitesse de plus de 390km/h (pas de chiffres exacts étant donné que ma mémoire me fait défaut).

« Project 400 »

Lancé en 1987, ce projet de WM, en partenariat avec Peugeot, consistait à dépasser cette fameuse limite des 400km,h. Ainsi voit le jour la WM P87. Cette voiture fera rapidement parler d’elle. En effet, en inauguration de l’autoroute A26, la voiture a atteint l’impressionnante vitesse de 416km/h sur le tronçon entre Saint-Quentin et Laon !

Ce test grandeur nature confirme les objectifs de records de l’équipe, malheureusement, de trop nombreux problèmes de fiabilité ne permirent pas à la voiture de performer en Sarthe cette année-là. La voiture n’est flashée qu’à un « maigre » 381km/h dans les Hunaudières.

Déterminé, WM rejette son dévolu sur l’édition 88 des 24h du Mans, avec une évolution de la P87 : la P88. Cette fois, hors de question d’échouer. Propulsée par un V6 biturbo de 910ch, cette voiture au poids plume (850kg) pouvait, non, devait dépasser les 400km/h.

Essais libres des 24h du Mans 1988, c’est la consternation dans le clan WM. Peu importe la conduite, peu importe les réglages, la voiture plafonnait à 381km/h (d’après le radar officiel). Mais un détail interpelle les ingénieurs : aucune mesure n’est effectuée lors des autres passages. La faute à qui ? Au radar en lui-même. Le manque de fiabilité des nouveaux radars (pourtant conçus pour monter à 415km/h) les faisait dysfonctionner au-delà de 381km,h, empêchant par la même occasion, la mesure des autres passages de la voiture.

Malgré la frustration de l’équipe, la voiture prend le départ, mais des soucis de fiabilité l’arrêteront dans le stand. Elle pourra cependant reprendre la piste en fin d’après-midi. « C’est alors que, vers 20 heures, l’un des ingénieurs de la SFIM (fabricant du radar officiel) passe dans notre stand, raconte Vincent Soulignac (ingénieur WM). ‘‘On ne comprend pas, vous passez systématiquement entre 398 et 399 km/h devant notre radar… ». Sans prévenir l’équipe, un nouveau radar a été mis en place vers 18h.

417km/h ?!?

Roger Dorchy, alors au volant, reçois un message à la radio lui demandant de rajouter 50gr de plus de pression de suralimentation. Le résultat est immédiat. L’ingénieur de la SFIM, alors en liaison radio avec le commissaire au poste 55 (en face du radar), annonce 407km/h lors du passage de la voiture blanche et verte. Et plus tard, ce seront même les 417km/h qui seront atteints !

Par soucis de polémique…

« Mais tous les livres d’histoire parlent de 407 ou 405, alors pourquoi nous dis-tu 417km/h ? » Allez-vous me dire, mais laissez-moi vous expliquer :

Les années 80 ont été comme une décennie charnière dans le sport automobile. Les F1 dépassaient les 1400ch, les Groupes B passaient en travers, à près de 250km/h, au milieu des foules de spectateurs et les Groupes C en endurance se bataillaient à plus de 400km/h. Alors forcément, avec les nombreux accidents dont certains mortels, dont le sport à été témoin, la sécurité en est remise en compte. Le Groupe B est stoppé, et la F1 interdit d’abord l’effet de sol, puis la motorisation turbo. Mais restait encore l’endurance. Et la FOPA (ex FOM) à la recherche de toujours plus de visibilité pour la F1, voyait mal l’attrait important des 24h du Mans auprès des fans. Afin de faire profil bas et de ne pas attirer l’attention sur eux, l’ACO a donc préféré retenir le record de 407km/h, jugeant cela suffisant. Puis, Peugeot s’en est mêlé, et pour promouvoir sa nouvelle 405, un accord est passé : le record officiel sera de 405 km/h.

Voilà la raison du pourquoi le 417km,h ne figure nulle part.

Des chicanes ? Et puis quoi encore ?

Vous vous souvenez de la FOPA ? Mais si, l’organisation jalouse de l’endurance. Et bah, en 1989, une drôle de réglementation voit le jour : toutes les courses d’endurance ont l’obligation de ne pas dépasser 4h.

Mais disons que l’ACO n’était pas, mais alors vraiment pas, d’accord avec cela. Alors, au nez et à la barbe de la FOPA, les 24h du Mans ont eu lieu. Mécontent et se sentant humiliée, une décision est prise en partenariat entre la FISA et la FOPA : la ligne droite des Hunaudières se verra découpée en trois portions par deux chicanes, et le futur règlement interdira les lignes droites de plus de 2km de long. Cette décision, pour éviter de trop faire polémique, est annoncé comme un moyen de sécurité, avec à l’appui, le crash de la Jaguar XJR-6 de John Scheldon en 1986.

Depuis, ces chicanes découpent toujours cette fameuse portion de la départementale 338, et beaucoup oublient presque que, il y a 34 ans de ça, seule une longue ligne droite de près de 6km de long figurait sur cette portion entre le virage de Tertre Rouge, et celui de Mulsanne.

Un record inatteignable ?

Beaucoup pensent que, depuis l’apparition des deux chicanes dans les Hunaudières, nous ne reverrons jamais des vitesse telles que nous avons put voir dans le temps, mais si je vous disais qu’il y a encore un espoir.

Vous vous souvenez de SMP Racing et de leur Dallara BR1 en LMP1 ? En 2018, Jenson Button, lors des essais libres des 24h du Mans a, avec un réglage à très faible appui, atteint les 387km/h entre la deuxième chicane et Mulsanne !

L’équipe a, de façon consécutif, atteint la vitesse 380, 385, 387, 378 et 379km/h ! De quoi donner de l’espoir quant à revoir un jour des voitures filées à prêt de 400km/h, et pourquoi pas, les dépassés… 😉

En hommage à Roger Dorchy, l’homme le plus rapide des 24h du Mans.

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